La reprise de la demande d’or est en partie le fait d’investisseurs qui cherchent à se protéger contre l’inflation, et en particulier contre l’idée optimiste selon laquelle les banques centrales parviendront à la réduire. À cela s’ajoutent les récentes turbulences sur les marchés d’obligations et d’actions ainsi qu’une forte demande générale d’investissement en matières premières.
La capacité de l’or à défier la gravité dans un contexte de hausse des rendements réels américains se poursuit et, jusqu’à présent, tout repli sous les 1 800 USD a rapidement suscité de nouveaux achats dit Ole Hansen, Head of Commodity Strategy chez Saxo Bank. Le défi le plus récent et le plus important a eu lieu à la suite de la réunion du FOMC du mois dernier, où un changement de ton étonnamment belliqueux a fait chuter le métal jaune, avant qu’un redressement progressif ne ramène son cours à un niveau inchangé pour l’année. La légère baisse de l’or l’année dernière, après une moyenne de 21,7 % au cours des deux années précédentes, s’explique par la liquidation de positions longues par les gestionnaires d’actifs dans un contexte de marchés boursiers solides et de faible volatilité. La conviction que la hausse de l’inflation s’avérerait transitoire et ne constituerait pas une menace à long terme pour la croissance et la stabilité des prix n’y est pas étrangère non plus.
Vers la fin de l’an dernier, un changement majeur s’est produit au sein de la Réserve fédérale américaine : l’équipe du président Biden a probablement donné à comprendre à l’équipe Powell que si elle voulait diriger la Fed, elle devait se concentrer sur les quelque 150 millions de travailleurs américains qui voient leur salaire diminuer chaque mois en termes réels à cause de l’inaction de la Fed en matière d’inflation, plutôt que de s’efforcer à maximiser les mesures destinées à aider les quelques millions de chômeurs restants à trouver un emploi. Powell et Brainard (le nouveau vice-président) ont tous deux obtempéré avec force, et le changement de langage a contribué à la forte hausse des rendements réels américains à dix ans, tandis que le marché anticipait une succession rapide de hausses de taux – il en escompte plus de cinq en 2022.
Éléments déterminants
Depuis, l’or, la matière première la plus sensible aux taux et au dollar, a réussi à résister à une hausse de 0,6 % des rendements réels américains. En dehors d’une petite surenchère liée aux préoccupations géopolitiques actuelles, nous voyons émerger plusieurs autres éléments déterminants, dont certains sont présentés ci-dessous.
- Ces derniers mois, l’or s’est montré de moins en moins sensible à la hausse des rendements réels, les investisseurs cherchant plutôt à couvrir leurs portefeuilles contre le risque de ralentissement de la croissance et, partant, contre le risque de baisse des valorisations boursières et de hausse des turbulences sur le marché obligataire. Même des hausses de taux plus agressives pourraient finir par profiter à l’or, car le risque d’une erreur de politique de la Réserve fédérale augmentera encore sur fond de risque de récession accru.
- Les vertus de l’or comme couverture contre l’inflation et comme valeur refuge ont fait l’objet d’un regain d’attention en raison de la volatilité croissante des cours des actions et obligations dans un marché qui s’adapte à un environnement de hausse des taux. Dans le même temps, nous pensons que l’inflation restera élevée, l’augmentation des coûts de production, des salaires et des loyers figurant parmi les composantes qui pourraient ne pas être freinées par la hausse des taux. Dans cette optique, l’or est également de plus en plus considéré comme une couverture contre l’optimisme actuel des marchés quant à la capacité des banques centrales à réduire l’inflation.
- Le secteur des matières premières a repris des couleurs au cours de l’année écoulée, avec des fondamentaux solides qui sous-tendent de nombreuses matières premières individuelles. Plusieurs de ces matières seront confrontées à une période prolongée d’inadéquation entre une demande en hausse et une offre inélastique. Comme certains des indices de matières premières les plus suivis du monde détiennent entre 5 et 15 % de leur exposition en or, toute demande d’une large exposition au secteur des matières premières génère automatiquement une demande supplémentaire d’or.
Alors que les gestionnaires d’actifs montrent des signes de regain d’appétit, comme l’illustre le graphique des ETF ci-dessous, l’effet du prix n’a pas encore suscité un intérêt accru de la part des gestionnaires de fonds à effet de levier qui se concentrent souvent plus sur le momentum que sur les fondamentaux. Au cours de la semaine jusqu’au 1er février, ils ont détenu une position longue nette sur les contrats à terme sur l’or (COMEX) de 62 500 lots seulement, soit 6,5 millions d’onces, ce qui est inférieur de 78 % au record de 2019. Les gestionnaires de fonds qui se concentrent sur le momentum ont tendance à acheter quand les cours grimpent et à vendre quand ils baissent. Afin d’attirer une demande accrue de la part des comptes de trading à effet de levier, l’or doit au minimum dépasser le soutien de 50 % de la correction de 2020 à 2021, à 1 876 USD, qui est également le sommet de 2021. Dans l’autre sens, une baisse sous le niveau de 1 750 USD présagerait une correction plus sévère.
