Si les indices ont enregistré une forte haute cette année, le bénéfice par action n’a pratiquement pas changé. La hausse des cours d’actions est à attribuer principalement à l’assouplissement de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui a soutenu une importante hausse du rapport cours/bénéfice (C/B), constate Irene Lauro, économiste chez Schroders. Au cours des 12 derniers mois, le S&P 500 n’a enregistré qu’une faible progression, rendant le marché vulnérable à une correction.
Les indicateurs de Schroders montrent que nous sommes dans une phase avancée du cycle. La politique monétaire souple a soutenu le crédit à la consommation et le marché immobilier. Mais la pression semble plus forte sur le monde des entreprises. Au cours des deux premiers trimestres de l’année, la rentabilité des entreprises américaines a reculé.
La baisse des impôts masque la détérioration de la rentabilité
Des données revues du Bureau of Economic Analysis montrent que, ces dernières années, les entreprises américaines ont été bien moins rentables qu’on ne pensait précédemment, avec des bénéfices qui, cinq ans plus tôt, atteignaient des sommets qu’on n’avait pas prévus. La baisse des impôts mise en œuvre par Donald Trump a boosté les bénéfices des entreprises après impôts l’année passée, entraînant des pics sur le marché des actions américaines. Mais cela occulte la détérioration de la rentabilité avant impôts. Elle est passée de 8,7 % en 2014 à 6,2 % au deuxième trimestre de 2019.
Maintenant que l’impact des mesures de stimulation est derrière nous, la situation réelle des entreprises américaines devient importante. Sur la base de son modèle, Schroders prévoit un recul des bénéfices avant impôts, sur base annuelle, de 3,7 % en 2019 à 2,4 % en 2020. Après impôts, ce recul atteint respectivement 4,8 % et 2,4 %. La baisse des bénéfices des entreprises aux États-Unis se poursuivra l’année prochaine puisque les marges resteront sous pression en raison de l’augmentation des coûts salariaux et du taux d’occupation plus faible de la capacité de production. Selon toute probabilité, la hausse de l’inflation ne suffira pas à compenser l’augmentation des coûts salariaux et l’utilisation réduite des capacités, estime Lauro.
L’économiste de Schroders ne tient pas encore compte d’une récession économique mais suit de près les investissements des entreprises. En réaction à la perspective de stagnation des bénéfices, on peut s’attendre à des réductions de coûts. Le recul des dépenses d’investissement ou l’augmentation du chômage risquent de porter un coup d’arrêt à l’expansion économique actuelle.
Ou la phase de fin de cycle peut-elle encore s’étirer ?
La stimulation des gains de productivité pourrait aider les entreprises à garder les coûts salariaux sous contrôle. Comme il faudra probablement faire face à une plus grande pénurie de main-d’œuvre, les gains de productivité devraient se réduire. L’augmentation de la demande et de l’inflation constituerait un scénario alternatif qui aiderait les entreprises américaines à limiter la pression sur les marges. Enfin, le stimulant monétaire pourrait être poursuivie et renforcé, permettant de stimuler la croissance et d’éviter qu’une récession des profits ne se transforme en récession économique à part entière.