
«The Twilight Zone » est une zone grise dans le no man’s land. D’une certaine manière, l’environnement macroéconomique et géopolitique actuel est très similaire à cette zone. Aussi en ce qui concerne le facteur temps, et ce, plus que jamais. Je souhaiterais développer ce point.
La photo d’introduction de cet article est tirée de la légendaire série de science-fiction «The Twilight Zone – saison 1 – épisode 8 «Time enough at last »(1959). En un mot, il s’agit d’un homme qui s’est caché dans un abri nucléaire en compagnie de livres pour se protéger d’un scénario de fin apocalyptique. Il n’avait jamais été autorisé à lire ces livres mais il disposera de tout le temps nécessaire pour le faire une fois la poussière retombée.
. Le problème est que dans son euphorie, l’homme a malheureusement cassé ses lunettes…
Le temps presse est une citation fréquemment utilisée dans de nombreux domaines. Heinz Guderian – le génie des chars de l’armée derrière le blitzkrieg d’Hitler – en est la preuve historique. Mais même aujourd’hui, sous un jour différent, c’est une course contre la montre. La course pour trouver et distribuer un vaccin efficace contre le Covid à l’échelle mondiale, pour n’en nommer qu’un.
L’élément dérangeant, cependant, est que, sous un angle différent, on accorde apparemment moins d’attention au facteur temps, à savoir la lutte macroéconomique des retombées causées par le virus. Et comme le montrent les faits, nous perdons un temps précieux ici, tant aux Etats-Unis que dans l’Union européenne dit dit Christofer Govaerts Chief Economist de Nagelmackers. Temps précieux qui pourrait avoir des répercussions sur la poursuite de la reprise économique en 2021.
Evaluation intertemporelle – Relance économique Q3, perspectives et où en sommes-nous avec la réponse macroéconomique mondiale au COVID ?
Relance économique Q3
Comme prévu, le Q3 a été un très bon trimestre après la chute spectaculaire au Q2. Et en prime, certainement un coup de pouce positif : les résultats étaient encore meilleurs que prévu aux Etats-Unis et dans l’UE (moyennant les commentaires nécessaires pour les Etats-Unis sur lesquels je reviendrai plus tard) :

Réaction au Covid des USA et point sur la situation actuelle
Les Etats-Unis ont été les premiers à déployer les gros canons au printemps de cette année (avril), avec des mesures très adéquates et un temps de réaction court. Washington (fiscal) que la FED (monétaire) ont fait tout leur possible pour absorber l’impact économique. Et dans un premier temps, cela a effectivement porté ses fruits, voir les chiffres du troisième trimestre ci-dessus ainsi que la reprise du marché du travail sur la période juin/septembre. Cependant, il y a trois observations importantes à faire sur les Etats-Unis :
- Le quatrième trimestre 2020 sera un mauvais trimestre et ce sera le cas pour le monde entier, en partie à cause de la flambée du Covid. Nous ne parlons pas du Q2 en termes dramatiques, mais les marchés partent du principe que nous devrons faire face à une baisse de croissance de 2,5%. Quid du Q1 2021? D’un point de vue purement technique, c’est important car si le Q1 2021 devait être décevant, nous serions dans un scénario en W ou double creux. Ce n’est pas nécessairement le scénario de base, mais un facteur de risque intrinsèquement présent ceteris paribus.
- Dans l’intervalle, le marché du travail américain a compensé un peu plus de la moitié des immenses pertes d’emplois du printemps (-13 millions d’emplois, +7 millions récupérés). Ces dernières semaines, nous constatons que la machine faiblit et cela est dû à deux facteurs : primo, les caractéristiques temporaires du premier plan de sauvetage d’avril. Secundo, la situation politique avant les élections et la situation ex post.
- Le calendrier et la portée du premier plan de sauvetage américain dans le tableau ci-dessous clarifieront davantage le point mentionné ci-dessus :

En bref : un plan de sauvetage fiscal américain 2.0 est indispensable pour continuer à soutenir la relance aux Etats-Unis. Et l’impasse politique actuelle à Washington n’est pas telle que l’on puisse attendre quelque chose de Washington sur ce front avant le 20/01/21.
Réaction au Covid de l’UE et point sur la situation actuelle
Après un sommet très difficile et un long week-end, les dirigeants de l’UE se sont mis d’accord le 21/07/20 pour préparer un plan d’urgence. Ce plan d’urgence a une portée de 1,824 milliard d’euros, comprenant le budget de l’UE pour 2021-2027 (750 milliards d’euros de mesures Covid de soutien direct à court terme incluses, via des subventions et des prêts soumis à conditions).
Le problème n’est pas que ce compromis soit intervenu tardivement après beaucoup de labeur et de sueur, mais plutôt que l’Europe a malheureusement une fois de plus gardé une mauvaise habitude. Le fait est que rien n’a été réellement réalisé de cette décision du 21/07/20. D’une part, il y a des incitants pour les pays individuels à ne pas utiliser ce fonds d’urgence (selon les conditions de financement), d’autre part, nous sommes en outre confrontés à deux défis supplémentaires en Europe :
- Le Brexit et une épée de Damoclès qui ne disparaîtra tout simplement pas.
- Une crise institutionnelle dans laquelle des pays comme la Pologne et la Hongrie bloquent institutionnellement le tout pour lancer réellement le plan d’urgence. Pas de budget annexé au plan d’urgence, du jamais vu, incroyable mais vrai.
Le rédacteur de ces lignes vient de Belgique, pays des compromis, Tintin et Magritte. Cependant, je pense qu’avec ce qui se passe actuellement au niveau européen en pleine crise Covid, même Magritte – ceci n’est pas une pipe – n’allumerait pas sa pipe maintenant, mais observerait la situation d’aujourd’hui avec incompréhension. Encore une fois : le facteur temps.
Epilogue
Les indicateurs macroéconomiques avancés aux Etats-Unis sont toujours corrects, ceux de la zone euro de qualité mixte (industrie versus services). Cependant, le vent peut tourner rapidement. Un vaccin arrive et c’est encourageant, mais entretemps, les aiguilles tournent sans pitié et en l’absence de décisions très urgentes, des dommages économiques considérables – évitables – pourraient survenir dans les semaines à venir. Sachez politiciens de tous pays que le temps presse et aujourd’hui plus que jamais.